Le premier Laurent doit sa longévité institutionnelle à un impeccable « Yes, Sir ». L’autre Laurent, favorisé par les circonstances, a goûté au pouvoir sans jamais solder auparavant ses redevances fiscales. Il nommait par BBM, révoquait par BBM, ordonnait des décaissements pour le Gymnasium Vincent sur la base d’un simple mémo, comme si l’État relevait d’une messagerie privée
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Les Laurents occupent encore l’espace médiatique, non par l’éclat d’une œuvre, mais par la persistance d’un théâtre politique dont le public haïtien connaît déjà la fin. Deux figures, deux styles, une même logique de survie institutionnelle fondée sur l’illusion d’utilité.
Le premier Laurent maîtrise l’art du déplacement stratégique. Toujours présent là où se décident les « grandes orientations », il enchaîne réunions, photos protocolaires et déclarations calibrées. À l’OEA comme ailleurs, il parle le langage attendu, rassure les partenaires, acquiesce sans froisser. Le retour au pays se fait avec des feuilles de route abstraites, des promesses recyclées, des solutions importées qui ignorent la topographie sociale, sécuritaire et politique d’Haïti. L’essentiel n’est pas l’efficacité, mais la conformité au script international.
Le second Laurent relève d’un autre registre : celui de l’autorité sans fondement fiscal ni reddition de comptes. Son pouvoir s’exerçait par messages, notes informelles et décisions instantanées, comme si l’État était une extension de son téléphone. Les nominations et révocations par BBM, les décaissements par simple mémo, illustrent une conception patrimoniale de la chose publique. Le temps a passé. Washington a refermé la porte. Le voilà désormais s’adressant quelque part dans la nature, sans domicile fixe ni statut reconnu, survivance politique en errance.
À eux deux, ils ont prospéré sur le passage : l’un en accompagnant l’évaporation des fonds PetroCaribe, l’autre en contribuant à un pays toujours plus dépendant, toujours plus administré de l’extérieur. Leur époque est révolue. Se croire encore indispensables procède moins d’une erreur d’analyse que d’une illusion entretenue. « Pi rèd kon keu makak » : la formule résume cette obstination.. Le spectacle continue, mais la salle est vide, et la patience collective, elle, est depuis longtemps consommée.
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