Depuis 1804, Haïti semble condamné à gérer l’urgence permanente. Les crises politiques s’enchaînent sans jamais laisser à la nation le temps de respirer ni de penser son avenir. Dans un tel chaos, impossible de planifier l’éducation, l’agriculture, la sécurité, l’innovation ou même la mémoire collective. Le pays survit ; il ne se projette plus.
Nous faisons de la politique comme on cherche de la nourriture : par nécessité, et non par vision. Les solutions proposées de toutes parts ne sont que des réponses superficielles, déconnectées des causes profondes. La véritable question demeure : quel est le problème réel d’Haïti ?
1. Un pays brisé par une économie rachitique
Le premier problème est économique. Haïti possède une économie fragile, incapable de créer suffisamment de richesses pour offrir un avenir à sa jeunesse. Des millions de jeunes sont laissés sans emploi, sans perspectives, et progressivement exclus du tissu social, alimentant ainsi une insécurité chronique.
Sans base économique solide, aucune réforme politique ou sécuritaire ne peut tenir.
2. Un pays pris dans des rapports de force internationaux
Le deuxième problème est géopolitique. L’histoire d’Haïti a laissé une cicatrice profonde dans l’imaginaire occidental. La victoire de 1804, qui a bouleversé l’ordre colonial, n’a jamais été totalement pardonnée. Cette réalité nourrit des influences externes, parfois directes, parfois subtiles :
• La République dominicaine profite de la faiblesse institutionnelle haïtienne pour générer des centaines de millions de dollars via la frontière, tout en alimentant divers trafics, dont celui des armes.
• Les États-Unis utilisent l’instabilité haïtienne comme levier géopolitique pour maintenir leur influence dans la région.
• Une partie de l’Occident conserve encore une hostilité historique envers Haïti, perçu comme le symbole de la rupture de l’ordre colonial.
Aujourd’hui, alors que l’Occident perd de son influence mondiale — avec une Afrique qui s’émancipe, une Chine et une Inde qui s’imposent et de nouveaux acteurs qui émergent — Haïti demeure stratégique, non pour son économie, mais pour son symbolisme et sa position géopolitique.
Repenser la sortie de crise : une double dimension incontournable
a) Une dimension économique
Selon la pyramide des besoins de Maslow, manger et boire constituent les besoins primaires d’un peuple. La priorité en Haïti reste donc la création massive d’emplois, notamment pour la jeunesse.
Une proposition forte serait la création d’une armée nationale de 30 000 jeunes, intégrée à une politique de réinsertion sociale, de formation civique et de reconstruction nationale.
b) Une dimension géopolitique
Haïti doit se repositionner sur la scène internationale, non dans une logique de dépendance, mais dans une stratégie gagnant-gagnant. Le pays doit cesser d’être un pion dans le jeu des puissances et devenir un acteur capable de défendre ses intérêts.
Rompre le cycle de l’urgence
Haïti doit briser le cycle de l’urgence permanente. Cela exige une vision économique solide et un repositionnement géopolitique clair. Le pays doit investir dans sa jeunesse, reconstruire ses institutions et refuser les solutions superficielles. Pour écrire son avenir, Haïti doit réapprendre à penser, à planifier et à décider pour lui-même.
Pour rompre définitivement avec la gouvernance improvisée et entrer dans une ère de construction durable, Haïti doit établir un plan national structuré sur trois horizons : 5 ans, 10 ans et 20 ans.
• Sécurisation du territoire : renforcement de la police, création d’une armée de 30 000 jeunes.
• Programme massif d’emplois publics : infrastructures, agriculture, reboisement, assainissement.
Objectif : stabiliser le pays et relancer l’économie réelle.
• Modernisation de l’agriculture : transformation, stockage, exportation.
• Réorganisation du territoire autour de 5 pôles régionaux.
• Développement d’une industrie légère et de zones économiques spéciales pour absorber la main-d’œuvre jeune.
• Transition énergétique : solaire, hydroélectrique, micro-réseaux communautaires.
• Reconstruction des infrastructures nationales : routes, ports, eau potable, écoles modernes.
Objectif : transformer Haïti en une économie productive, compétitive et décentralisée.
Alceus Dilson, Communicologue, Juriste
alceusdominique@gmail.com
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